La Pop

POP

Au sens général, la musique « pop » a été définie par l’apparition du 45 tours. La forme matérielle de celui-ci a impliqué la courte durée des chansons (moins de 3 minutes en moyenne), comme leur brève carrière commerciale, quelques semaines ou quelques jours en haut du hit-parade, fugitif symbole de l’air du temps. Universellement diffusée par le disque la radio, la télévision puis la vidéo, la musique pop est une production industrielle destinée par nature, à toucher un large public. La pop music se confond ainsi avec la duplication infinie des productions culturelles modernes avec leur démocratisation, diront certains, avec leur abâtardissement, diront les autres.
Dans cette optique, les performances en public des artistes importeront moins que leur enregistrement, la chanson pop s’affirmant d’abord comme une expertise dans la production technique des œuvres (d’où le rôle déterminant des producteurs et des ingénieurs du son). Avec le développement de la télévision et des images en général, l’apparence de ces artistes finira par importer au moins autant que la qualité de leurs œuvres enregistrées, la star pop incarnant physiquement et plus seulement musicalement, la mode du moment.

UN GENRE MUSICAL

La musique pop a des racines multiples, qui vont du gospel à la soul en passant par le folk anglo-irlandais et la country. Les choses se nouent quand la chanson sentimentale d’avant-guerre dans le genre Cole Porter et George Gershwin fusionne avec l’intensité et la spontanéité de la musique noire afro-américaine. Cette fusion s’opère dans les années 1950 avec le rock’n’roll et Elvis Presley, premier exemple de musique pop, sans en porter l’étiquette. Elvis Presley, nourri de gospel et de chants protestants, réadapte la musique noire pour la communiquer à un public blanc.
Peu de temps après, les artistes noirs commencent à habiller les lignes de rhythm’n’blues avec des violons comme le font les Drifters, en 1959, sur la chanson « There Goes My Baby« . Mais ce fut incontestablement les artistes de la maison de disques Tamla Motown, qui réalisèrent au mieux la fusion entre musique populaire noire et blanche. Des groupes comme The Temptations, Martha and the Vandelas ou Marvin Gaye, dans les années 1960, en sont des exemples parmi bien d’autres.

Stevie Wonder and Marvin Gaye

Le producteur Phil Spector poussera le genre à son maximum. Il inventera pour ses groupes de filles (les Ronettes, les Crystals) un son urbain construit entièrement en studio, avec des chansons aux harmonies imparables, soutenues par un rythme puissant. Bref, une synthèse idéale entre la mélodie de tradition européenne et la pulsation de base de la musique afro-américaine.

L’instrument de base de la « pop music » comme du « rock » est la guitare, qui distille des notes sucrées ou acides et des guirlandes d’arpèges. Petit à petit, on ajoutera des instrumentations plus sophistiquées en même temps que les textes deviendront plus ambitieux. Mais, à la base, la chanson pop, c’est une gentille mélodie, un rythme entraînant mais pas trop, des paroles rigolotes, insignifiantes, contestataires ou visant à la poésie. L’album des Beatles, « Rubber Soul » (1965), peut être considéré comme le pinacle de l’art pop, avec des chansons comme « Drive my car« , « Michelle » ou « Norvegian Wood« . Tout y est : la grâce mélodique, les guitares détendues, la batterie pas trop appuyée, les textes drôles, mais sans grande prétention (si l’on excepte peut-être « Nowhere Man« ).

Aux Etats-Unis, les Beach Boys relèvent le défi des Fab Four et conçoivent en 1966, le fantastique « Pet Souds« , dont l’auteur principal, Brian Wilson, dira, sans fausse modestie, que c’était « le premier album qui communiquait à la jeunesse du monde de la musique et pas seulement du rock’n’roll sur trois accords« .
On opposera bientôt la pop, légère mais bien ciselé, non rebelle, au rock, pur et dur, violent, contestataire, refusant (en théorie) la récupération par les maisons de disques.

LA MUSIQUE POP CONSUMEE

A la fin des années 1960, les technologies d’amplification et d’enregistrement ont fait une avancée extraordinaire en l’espace de quelques années. Les premières boîtes d’effets sont apparues sur le marché. Si les Beatles sont les premiers à utiliser les moyens sophistiqués du studio avec leur producteur George Martin, c’est au génie de Jimi Hendrix que l’on doit une transformation radicale de la composition rock. Par son utilisation originale et exclusive de la guitare électrique, il intervient sur la structure même du son et ses solos de guitare sont devenus une référence chez les virtuoses de l’instrument à six cordes. Malheureusement, l’autre facette du personnage est moins glorieuse, indissociable d’un fléau rattaché aux années folles de l’art pop, la drogue. D’abord considérée comme un moyen d’approfondir la connaissance de soi-même, elle va faire de nombreux ravages dans tous les milieux artistiques de l’époque. De grands héros de la musique rock vont payer de leur vie cette boulimie de paradis artificiels : Brian Jones (1969), Jimi Hendrix (1970), Janis Joplin (1970), Jim Morrison (1971). Bien que ces disparitions dans la fleur de l’âge aient fait réfléchir, le slogan « Sex & Drugs & Rock’n’Roll », immortalisé par Ian Dury, est celui qui reflète le mieux l’état d’esprit de la nouvelle décennie.

VERS UNE POP PEJORATIVE

Au milieu des années 70, le terme de pop devient progressivement péjoratif, synonyme de variété commerciale, avec des compositions interchangeables et des artistes au talent édulcoré, à l’image des Osmond Brothers ou de David Cassidy.
La pop devient universelle et le groupe suédois Abba connaît alors un succès mondial avec sa « powerhouse pop », un mélange harmonique impeccable avec des mélodies « tout terrain ». Les Anglo-Australiens Bee Gees vont donner pour leur part, une nouvelle direction à la pop en introduisant derrière leurs harmonies vocales de néo-castrats une rythmique frénétique qui va bientôt s’appeler la disco. Leur BO du film Saturday Night Fever se vendra à plus de 30 millions d’exemplaires.

Staying alive, Bee Gees

En france, la pop, en tant que telle, ne sera bien souvent qu’une adaptation locale des succès anglais, à la Ronnie Bird. On rappellera quand même la dimension pop de l’œuvre de Serge Gainsbourg, avec des chansons comme « Qui est in, qui est out ? » ou « Docteur Jekyll et Mister Hide » (écrites toutes deux en 1966) ou certains éléments de l’album « Melody Nelson » (1971). On pourra également citer des artistes comme Françoise Hardy, Laurent Voulzy ou Etienne Daho, dont les belles compositions témoignent de l’existence d’une pop française de qualité.

Au cours des années 80, la new wave, pour froide et intellectuelle qu’elle voudra être, ne sera jamais bien loin des canons pop. Et que dire des années 90, sinon constater un réveil de ce qu’on appelle la « brit-pop », c’est-à-dire le retour des jeunes musiciens anglais à la tradition inaugurée dans les années 80, avec des groupes comme Blur ou Pulp, qui ressortent toutes les leçons apprises au cours des trois décennies passées…

Sarah Aït-Ameur

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